[Mythologie] – Le quadrige d’Arès et Saint Seiya

[Mythologie] – Le quadrige d’Arès et Saint Seiya

(image frontispice de Reece Clark)

S’il est une figure ambivalente dans les mythes grecs, c’est bien Arès, le fils de Zeus et Héra !
Adulé en Thrace et à Sparte, honni à Athènes (où on lui préfère sa sœur Athéna, bien plus en ligne avec les idéaux locaux), décrit tantôt comme un guerrier sanguinaire implacable, tantôt comme un couard indigne de son statut de dieu, il ne laisse pas indifférents les mythographes et autres philhellènes.

Mais étonnamment, cette figure incontournable semble quasi absente d’une œuvre aussi référencée que Saint Seiya ! Je parle ici des supports de la vague originelle, pré-revival de 2002.

Dans le manga original de Kurumada, il n’est fait mention de son nom qu’au tout début, lorsqu’un pope athénien explique aux touristes que les Saints d’Athéna ont dû par le passé combattre le Dieu de la Guerre. Dans l’anime, c’est un peu plus flou et plus sioux : son nom est utilisé pour désigner le frère et assistant du Pope Sion (à ceci près que la première syllabe est allongée, si bien que l’on a Ârès アーレスau lieu d’Arès アレス). Takao Koyama, scénariste de la série jusqu’à la fin de l’arc Sanctuaire, a récemment confirmé sur Twitter qu’il s’agit bien d’une référence au dieu belliqueux Arès.

Extrait du seul passage du manga où il est fait mention à Arès !

Toutefois, il y a un support qui s’attarde plus spécifiquement sur le cas du Dieu de la Guerre : la Grande Chronique des Guerres Saintes (ou Hypermythe) du Saint Seiya Cosmos Special (édité en août 1988). Dans cette chronique que l’on nous présente sous la forme d’éléments de documentation collectés et analysés par la Fondation Grade de Mitsumasa Kido, apparaît en filigrane le lien entre les mythes et légendes du monde entier depuis sa création et l’Ordre des Saints constitué autour d’Athéna, protectrice de la Terre et de ses habitants.

Saint Seiya Cosmo Special, le databook vintage sur le manga

Il est fait ainsi mention d’une lutte acharnée, la plus terrible de toutes, entre Arès et Athéna pour la dominance de notre planète. Plus précisément « Il est dit que c’était le plus brutal de tous les dieux. Arès sema les graines du conflit partout à travers le monde pour amener les hommes à se mener la guerre les un les autres. L’armée d’Arès est divisée en 4 régiments qui sont les Flammes (炎), le Feu (火), la Terreur (恐怖) et la Calamité (災難). Ces combattants nommés Berserkers (狂闘士/バーサーカー) repoussèrent les limites de la destruction et des massacres. »
Si vous vous intéressez à la mythologie nordique, la référence aux Berserkers vous paraît évidente. Mais pourquoi 4 régiments ? Et pourquoi ces noms ?? Que de questions auxquelles je vous propose de répondre à travers l’une de mes vieilles découvertes : la Suite d’Homère !

Vous connaissez sans doute le diptyque homérique « l’Iliade et l’Odyssée »… mais l’avez-vous lu ? Genre, vraiment ? Parce que si le premier opus couvre la colère d’Achille jusqu’aux funérailles d’Hector, le second narre la divagation d’Ulysse et … ON NE SAIT PAS COMMENT FINIT VRAIMENT LA GUERRE DE TROIE ! Certes, Ulysse dans l’Odyssée explique son stratagème avec le fameux Cheval mais on ne nous décrit pas comment Troie a finalement plié sous le joug des Achéens (nom des Grecs dans les poèmes de cette époque). Et comme le dit si bien Stu dans Scream : « IL VA Y AVOIR UNE SUITE ! IL FAUT UNE SUITE ! LE PUBLIC DEMANDE TOUJOURS UNE SUITE ! »

Hé oui, Hollywood n’a rien inventé en ce qui concerne les prequels/sequels/paraquels et autres contorsions narratives sur des franchises à exploiter …

C’est le poète Quintus de Smyrne (Κόϊντος Σμυρναῖος), au croisement des IIIe et IVe siècles, qui s’attèle à la tâche. Il en ressort un poème en 14 chants qu’il nomme Τὰ μετὰ τὸν Ὅμηρον (Tà metà tòn Homêron / la Suite d’Homère).

Mon édition anglophone (chaud de trouver l’ouvrage en français)

Si le poème ne brille pas par sa qualité d’écriture (aucun souffle épique), il faut lui reconnaître beaucoup d’érudition et des descriptions assez détaillées. C’est ainsi que l’on y trouve une description minutieuse du char rutilant du dieu Arès et c’est ce qui va nous intéresser ici.

Le char d’Arès est un quadrige, c’est à dire tiré par quatre chevaux. Là où pour des rasions de maniabilité, les chars de guerre sont plus souvent tirés par deux chevaux seulement, les chars d’apparat réservés aux grands seigneurs de guerre ou aux triomphes de ses derniers présentent plutôt quatre destriers placés de front devant le conducteur du quadrige, l’aurige (auriga en latin, d’où le nom de la constellation dont Capella est le Silver Saint !). Le quadrige symbolise donc la puissance et la gloire qui échoient à celui qui le monte.

Astérix en Hispanie

Mais l’auteur va plus loin dans sa descripotion : il donne carrément les noms de chacun des quatre chevaux du Dieu de la Guerre. Ainsi, les 4 montures consacrées à Arès se nomment :

Phlogios (Φλογευς) – les flammes
Aithon (Αιθων) – le feu
Phobos (Φοβος) – la terreur
Konabos (Κοναβος) – le tumulte

Incroyable ! Ce sont les noms des régiments évoqués par le Saint Seiya Cosmo Special ! La référence du diable Vauvert ! J’espère que cela vous donnera envie d’en savoir plus sur cette fameuse Suite d’Homère.

Attention cependant, une remarque et un complément.

Il faut tout d’abord faire attention avec la canonicité des différentes sources dans Saint Seiya, notamment cet Hypermythe qui apporte en fait plus de confusion que de clarification : il n’est en effet ni rédigé ni validé par Masami Kurumada, l’auteur et le propriétaire de la licence. Le magazine reste un document officiel mais avec une finalité promotionnelle et l’auteur est tout à fait libre soit d’y puiser de l’inspiration (ce que ne se privera pas de faire Shiori Teshirogi dans The Lost Canvas par ailleurs), soit de désavouer telle ou telle piste (d’ailleurs la forme prise par l’Hypermythe – une compilation de documents non sourcés et le rendu direct des interprétations de la Fondation – revient à demander aux lecteurs de ne pas attacher trop d’importance au contenu).

Arès et ses Berserkers, évoqués dans The Lost Canvas

Ensuite, on apprend dans le livret qui accompagne le DVD Tenkai-hen Josō ~ Overture que l’idée de personnages incarnant les destriers d’un char divin devait être également utilisée dans ce film. Nous aurions eu ainsi 5 Anges face à nos héros au lieu de seulement 3 ! Une bonne idée est toujours à considérer lorsqu’on lance un nouveau projet.

Petite friandise pour la route : petit fanart personnel pour ma fanfic (publication en 2022) avec une explication franche entre Athéna et Arès ! Restez à l’écoute…

PRO »MYTH »EUS

Remerciements à mon papa et mes deux demi-frères sans qui je n’aurais jamais développé mon intérêt pour Saint Seiya ni mon attrait pour la mythologie, doux souvenir de la découverte en VHS du Choc des Titans il y a plus de 35 ans !

3 réflexions au sujet de « [Mythologie] – Le quadrige d’Arès et Saint Seiya »

  1. Selon l’agent comptable d’Ares, Athéna lui doit des arrhes. Un contentieux autour de la conversion d’orichalque en dollar arèsien trouble le dénouement pacifique de l’imbroglio.

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  2. Cool de découvrir la référence littéraire de ces fameuses 4 Armées d’Ares (avec leurs noms grecs)! 😃 Pour le nom du frère de Sion/Shion dans l’anime, j’avais lu que Takao Koyama avait expliqué qu’il s’agissait de la construction d' »Aristoteles » en « Ar…les », d’où l’écriture différente d' »Ares » en katakana. 🤔

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